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lundi 16 juin 2008

Commerce électronique : Responsabillité des intermédaires, les enchères montent.

Une internaute avait mis en vente un sac Hermès sur le site d’enchères en ligne eBay qui s’est avéré être une contrefaçon. La société Hermès a alors non seulement assigné la vendeuse sur le fondement de la contrefaçon, mais encore le site de vente aux enchères. La volonté d’Hermès d’essayer d’endiguer la vente en ligne de produits contrefaits ne fait pas un doute.

Le Tribunal de Grande Instance de Troyes dans un jugement du 4 juin 2008 retenant qu’eBay remplissait, certes la fonction technique d’hébergeur qui permet aux termes de la loi sur la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN) d’écarter la responsabilité de l’intermédiaire technique. Cependant les juges retiennent que les activités de la plate-forme dépassaient ce simple rôle. Ils ont ainsi retenu la qualification d’ « éditeur de services de communication en ligne à objet de courtage » pour engager la responsabilité civile d’eBay dès lors que cette dernière met à disposition des outils de mise en valeur du bien, organise les cadres au sein desquels sont présentés les objets en vente en contrepartie d’une rémunération et édicte des règles de fonctionnement. Toutefois le Tribunal de Grande Instance de Troyes écarte la qualification « d’éditeurs de contenus », qui aurait impliqué une responsabilité de plein droit telle que définie par la LCEN, aux motifs que les objets contrefaits étaient mis en ligne par l’internaute et non par eBay elle-même, et que la mise en page imposée par le site n’obéissait pas à un choix éditorial mais était nécessaire à la visibilité des annonces.

C’est donc sur le fondement de la qualification « éditeur de services de communication en ligne à objet de courtage » que les juges de première instance ont retenu la responsabilité solidaire d’eBay alors que jusqu'à présent, les tribunaux ne condamnaient que le contrefacteur sans atteindre la plate-forme de ventes, considérée comme un simple intermédiaire technique que la loi du 21 juin 2004 dispense de l'obligation de surveiller les contenus (hormis certains cas précis tels l’incitation à la haine raciale, pornographie infantile, etc.). Ce n'est en principe que dans le cas où l’intermédiaire technique ne retire pas un contenu illicite porté à sa connaissance qu'il engage sa responsabilité. Seul l'éditeur de contenu, personnellement à l'origine de la diffusion endosse la responsabilité de plein droit définie par la LCEN.

Ce jugement inédit, s’il devait être confirmé en appel, est un véritable coup de semonce quand au modèle technique des plates-formes de vente en ligne mises à la disposition des internautes. Ces dernières dont le rôle dépasserait celui de simple intermédiaire technique devraient alors exercer un contrôle sur les contenus diffusés, ce qui parait techniquement très lourd à mettre en œuvre mais également très onéreux.

On peut s’interroger sur la décision qui aurait été rendue si Hermès avait opté pour la voie pénale plutôt que la voie civile pour faire sanctionner les faits de contrefaçon. L’internaute aurait certainement été condamnée. Mais qu’en aurait-il été d’eBay ? Une condamnation pénale d’eBay aurait relevé à mon sens d’un cas de condamnation pénale du fait d’autrui et n’aurait donc pas pu être légitimement prononcée. Cela signifie, que pour les intermédiaires techniques le risque civil dépasse aujourd’hui le risque pénal.

© Xavier le Cerf