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jeudi 19 juillet 2007

Noël en juillet sur DAILYMOTION ou le Vendredi 13 du partage de vidéos

Le vendredi 13 juillet dernier, le Tribunal de Grande Instance de Paris qui avait été saisi pour la contrefaçon du film de Christian Carion Joyeux Noël, produit par Nord Ouest Productions, diffusé en épisodes sur le site de partage DAILYMOTION, a sonné la fin de la récréation. Le TGI a retenu la responsabilité de DAILYMOTION lui déniant la qualité d’intermédiaire technique et le bénéfice de la responsabilité limitée prévue par la Loi sur la COnfiance dans l'Economie Numérique aux termes de laquelle « Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible. » et le contraignant à contrôler a priori le contenu des vidéos mises à disposition du public et représentées via sa plate-forme de partage.

Le Tribunal retient qu'en acceptant la mise en ligne par un utilisateur de son service de ce film vu en salle par deux millions de personnes, DAILYMOTION "a commis une faute engageant sa responsabilité civile en fournissant" à cet internaute "les moyens de réaliser une contrefaçon". Le juges ont ainsi considéré que Dailymotion était informée des contenus illicites et qu'« il lui appartient donc d'en assumer la responsabilité, sans pouvoir rejeter la faute sur les seuls utilisateurs, dès lors qu'elle leur a fourni délibérément les moyens de la commettre », d’autant que « le succès supposait nécessairement la diffusion d'œuvres connues du public, seules de nature à accroître l'audience et à assurer corrélativement des recettes publicitaires ».

Christophe Rossignon, producteur de Joyeux Noël s’est évidemment réjouit de cette décision qui « constitue une très importante victoire ». « Nous nous attaquons aux plates-formes car ces sites s'enrichissent sur nos contenus, diffusés de manière illicite, créant du trafic, et générant des recettes publicitaires ».(Le Figaro)

Dailymotion s’est vue contraint de retirer les vidéos concernées de son site dans un délai de huit jours, sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée, nonobstant tout appel de la décision.

Rappelons également que le 22 juin dernier, MySpace avait été condamné à verser 61.000 euros à l'humoriste Lafesse, pour avoir laissé diffuser ses sketches gratuitement et sans son autorisation (AFP).

Dailymotion, MySpace et d’autres sites de partage fondent leur modèle économique sur le partage des vidéos des particuliers et leur diffusion via une plateforme, engrangeant les retombées publicitaires générées par la fréquentation. De toute évidence, ils ne peuvent diffuser des vidéos dont les droits n’appartiennent pas aux internautes qui les téléchargent sur la plateforme en vue de leur mise à disposition du public et ce, quelles que soient les dispositions prévues dans les conditions générales. En revanche, rien n’interdit à la plateforme en question d’appeler en garantie l’internaute ayant téléchargé un film soumis au droits d'auteur à des fins de publication. Attention donc !

© Xavier le Cerf - avocat

Quand le Droit du Sport rencontre les Droits Fondamentaux

La spécificité du sport est souvent invoquée devant les instances internationales (OMC) et européennes pour justifier des régimes dérogatoires. Ces derniers se réduisent comme peau de chagrin dès lors qu’ils cherchent à passer l’épreuve de la confrontation judiciaire. On se souvient notamment des arrêts Bosman et Malaja qui ont bouleversé, sans grande surprise, l’économie du sport.

Le droit du sport n’échappe pas l’application des droits fondamentaux, cela n’est pas nouveau. L’actualité judiciaire nous en offre deux exemples frappants, qui étonnent le mouvement sportif alors même qu’ils sont hautement prévisibles.

1/ La sanction disciplinaire du fait d’autrui est inconstitutionnelle

Cela ressemble, en droit pénal, à une Lapalissade, tant le principe de l’exclusion de la responsabilité du fait d’autrui est strictement appliqué. La responsabilité pénale du fait d’autrui n’est que très exceptionnellement retenue, uniquement lorsque la loi le prévoit : responsabilité directe du chef d’entreprise en matière d’hygiène et de sécurité des travailleurs, responsabilité directe du directeur de la publication en matière de délits de presse et responsabilité indirecte du titulaire de la carte grise en matière de paiement des amendes liées à la circulation.

En dehors de ces cas, seul est pénalement responsable l’auteur des faits visés et interdits par la loi.

Au sens du droit européen, une sanction administrative dès lors qu’elle implique une conséquence pécuniaire ou la perte d’un droit, est assimilée à une sanction pénale prise par une autorité juridictionnelle. Ainsi un règlement administratif, tel un règlement de fédération sportive, lorsqu’il prévoit une sanction par une commission de discipline doit appliquer les principes généraux reconnus en matière de procédure pénale. Une commission disciplinaire sportive ne pourra pas prendre de sanction sans que l’intéressé ait été entendu, ait eu le temps de préparer sa défense et ait la possibilité de faire appel de la décision.

En matière de responsabilité du spectacle sportif, la jurisprudence admet de manière constante que l’organisateur d’une manifestation sportive est tenu à une obligation de sécurité des personnes assistant à un spectacle, notamment lorsqu’il est payant. Le Club recevant doit ainsi, avec son personnel, garantir le déroulement paisible des matchs et s’assurer auprès d’une compagnie pour tous les risques qu’il fait courir aux tiers ou à ses «clients », les spectateurs. Les règlements des Fédérations Sportives vont généralement beaucoup plus loin dans les contraintes imposées aux Clubs pour assurer le bon déroulement des rencontres.

Ainsi l’article 129.1 du règlement général de la FFF « Les clubs qui reçoivent sont chargés de la police du terrain et sont responsables des désordres qui pourraient résulter avant, pendant ou après le match du fait de l'attitude du public, des joueurs et des dirigeants ou de l'insuffisance de l'organisation.

Néanmoins, les clubs visiteurs ou jouant sur terrain neutre sont responsables lorsque les désordres sont le fait de leurs joueurs, dirigeants ou supporters. »

La finale de la Coupe de France 2004 opposant le PSG à Châteauroux, a été émaillée par des incidents graves impliquant des supporters parisiens. Ces derniers s’étant livrés à de nombreuses dégradations et jets de fumigènes le PSG a été condamné, dans un premier temps à 20.000 € d'amende et un match à huit clos avec sursis (sursis révoqué à la suite d'autres incidents) sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 129.1 du règlement général de la FFF, disposant que « les clubs visiteurs ou jouant sur terrain neutre sont responsables lorsque les désordres sont le fait de leurs joueurs, dirigeants ou supporters ».

Le PSG, a saisi le tribunal administratif de Paris pour contester le bien fondé de cette décision.

Le 16 mars 2007 le Tribunal administratif de Paris a jugé inconstitutionnel l'article 129.1 du règlement général de la FFF qui rend un club visiteur responsable de ses supporters. A l'origine de cette décision : la méconnaissance du "principe de personnalité des peines". Le juge administratif retient en effet, qu’ "En énonçant que les clubs visiteurs ou jouant sur terrain neutre sont responsables lorsque les désordres sont le fait de leurs supporters, l'article 129.1. (...), même inspiré (...) par l'objectif d'assurer un déroulement satisfaisant des rencontres, méconnaît le principe de personnalité des peines et est donc inconstitutionnel."

Le PSG s’est logiquement réjouit de la décision et la Ligue Nationale de Football représentée par Frédéric Thiriez, a déclaré que ce jugement était "un très mauvais signal lancé à tous ceux qui s'efforcent de lutter contre les violences dans les stades" ajoutant que "ce jugement a été rendu contrairement à la position du comité olympique et contrairement à la position du commissaire du gouvernement." Sur le fond, le président de la LFP a affirmé qu'un tel jugement, s'il était confirmé en appel, "aurait beaucoup d'effets néfastes. Ainsi, le club visiteur n'aurait plus intérêt à encadrer ses supporteurs, car il ne serait plus responsable de leur conduite. Le club organisateur serait poussé à refuser les supporters du club visiteur pour éviter de voir sa responsabilité engagée. Bref, tout le monde fuirait ses responsabilités pour s'en remettre à la seule police."

La LFP a manifesté son intention de saisir la cour administrative d’appel, espérant la voir réformer le jugement du 16 mars 2007.

Sans préjuger de la position de la Cour Administrative d’Appel, ce premier jugement rappelle une fois de plus au mouvement sportif français, qu’il ne saurait échapper aux principes fondamentaux reconnus par notre ordre juridique. En l’occurrence les principes de personnalité des peines et de responsabilité personnelle sont issus de l’articles 121-21 du code pénal selon le quel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait » et a été érigé au rang constitutionnel par le Conseil Constitutionnel par sa Décision N° 70 DC des 19 et 20 janvier 1981.

2/ L’obligation pour un sportif stagiaire de signer un contrat de travail avec son club formateur est contraire au principe de libre exercice d’une activité professionnelle.

Petite révolution de palais : dans tous grands sports professionnels, les Clubs formateurs cherchent à se protéger face aux appétits des grands clubs. Les fédérations et les Ligues ont adopté des règlements contraignant le sportif stagiaire ayant suivi sa formation dans un Club de signer son premier contrat de travail avec son Club formateur, pour une durée minimale. Selon les sports cette durée est fixée par le Statut du Stagiaire entre trois et cinq ans. Il s’agit pour le Club formateur de recueillir les fruits de ses efforts de matière formation afin d’inciter à la formation, plutôt qu’aux emplettes chez le concurrent. Si le jeune sportif refuse le contrat, il ne peut généralement pas exercer pendant une durée de deux à trois ans. Autant dire que cette perspective est très dissuasive. On se souvient pourtant de quelques contre-exemples : le cas de Laurent Sciarra, meneur de jeu de l’Equipe de France de Basket médaillé d’agent à Sydney qui avait refusé de signer son premier contrat professionnel avec son club formateur de Hyères-Toulon alors en ProB pour s’engager avec le PSG, Club de ProA (désormais PBR puis Paris-Levallois à compter de 2007/2008). Il avait été écarté des parquets pendant une saison complète.

Contraindre un jeune sportif à travailler pour tel ou tel employeur peut paraître du point de vue de ce dernier, comme une disposition moyenâgeuse, d’autant que face à la contrainte, la faculté de négociation des dispositions financières du jeune sportif est très limitée. Ainsi le footballeur, basketteur (…) en fin de formation pourra se voir proposer un contrat par son Club formateur au minimum de la convention collective, alors que sa valeur sur le marché, notamment international, peut être cent fois supérieure, voire bien davantage si l’on prend en compte la NBA, la Champions League et l’Euroleague. A noter qu’en NBA, les joueurs entrant dans la Ligue n’ont pas le choix de leur employeur ; le choix est déterminé par la place dans la draft elle-même fixée par le classement de la franchise. Les franchises NBA peuvent s’échanger les tours de draft, comme dans une bourse. En cours d’exécution des contrats les franchises NBA peuvent s’échanger les joueurs en fonction de la valeur des contrats sans que ces derniers aient leur mot à dire. C’est le prix d’un modèle économique qui a fait ses preuves…

Face aux sollicitations des Clubs concurrents et des chasseurs de têtes, le sportif professionnel à fort potentiel arrivant au terme de sa formation a-t-il réellement le choix et peut-il refuser de signer le contrat qui lui est pratiquement imposé ?

La Cour Administrative d'Appel de Lyon nous apporte un début de réponse par un arrêt, 26 février 2007. En l’espèce l’Olympique Lyonnais avait sur le fondement de l’article 261 de la Charte du football professionnel, engagé la responsabilité d’Olivier Bernard, joueur formé au club, lui reprochant d’avoir signé son premier contrat professionnel avec Newcastle United. Le jugement de première instance avait donné raison à l’Olympique Lyonnais. La Cour d’appel vient de réformer le premier jugement retenant qu’une telle obligation est contraire au principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, invalidant l'obligation de signer un tel contrat. Le Conseil d'Etat a été saisi en cassation.

Sans préjuger de la décision du Conseil d’Etat il est certain que lorsque le joueur en fin de formation ne souhaite pas donner suite au contrat qui lui est proposé, l’autonomie de la volonté implique que le contrat ne puisse lui être imposé et qu’à ce titre les règlements des fédérations sont contraires au principe de liberté d’exercice d’une activité professionnelle. Le Statut du Joueur Stagiaire s’il ne peut contenir une telle contrainte pourrait en revanche contenir une clause de dédit formation qui obligerait le joueur à rembourser le coût réel de sa formation. Une indemnité supérieure au coût réel de la formation serait contraire à liberté d’exercice car dissuasive pour le sportif et spéculative pour le Club formateur.

Pour autant si la question juridique est assez claire, le modèle économique peut-il se passer de la spéculation sur les jeunes potentiels, dont la vente à des grands clubs étrangers permet de financer la formation des générations suivantes et une partie des recettes des Clubs ? La réponse n’est plus juridique, elle est politique.

Enfin, la question reste entière pour le cas où un jeune sportif aurait signé son premier contrat professionnel et chercherait à le faire annuler pour vice du consentement, dès lors que son consentement se limite à : travailler pour le Club formateur ou être sans emploi pendant trois ans et mettre en péril sa carrière.

© Xavier le Cerf - avocat

mercredi 18 juillet 2007

Affaire Opel, la CJCE ouvre une brêche dans le droit des marques

Dans une affaire ADAM OPEL / AUTEC AG, rendue le 25 janvier 2007 la Cour de Justice des Communautés Européennes avait à arbitrer entre les droits exclusifs détenus par le titulaire de la marque et les exceptions limitant ce droit au bénéfice des acteurs économiques souhaitant indiquer la provenance ou les caractéristiques d’un bien.

Aux termes de l’article 5 §1, b) de la Directive du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE - JO 1989, L40, p.1) telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, « La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires: a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque. »

Pour autant, ce droit exclusif est tempéré par l’article 6, §1 disposant que « le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires : a) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

Parfois, pour indiquer l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique (…) ou d’autres caractéristiques, il n’est pas d’autre choix que mentionner le nom de la marque déposée relative au bien concerné. Est-il alors possible de la reproduire ?

C’est précisément la question qui était soumise à l’interprétation de la CJCE dans une affaire, opposant ADAM OPEL (constructeur automobile et titulaire de la marque OPEL, enregistrée en Allemagne le 10 avril 1990 pour les véhicules automobiles et les jouets) et AUTEC AG (fabricant de modèles réduits téléguidés de voitures, sous la marque CARTONIC). ADAM OPEL ayant constaté qu’était commercialisé en Allemagne un modèle réduit au 1/24° et téléguidé de l’Opel Astra V8 coupé, sur la calandre duquel était apposée l’image du logo original Opel figurant sur le véhicule commercialisé par ADAM OPEL. La marque CARTONIC figurait de façon clairement visible sur la page de garde du mode d’emploi accompagnant chaque modèle réduit, ainsi que sur le devant de l’émetteur de téléguidage.

Dans l'arrêt riche d’enseignement du 25 janvier 2007, la Cour rappelle que l’usage d’un signe identique à la marque en cause ne doit pas porter atteinte à la fonction essentielle du droit exclusif accordé par la marque qui est « de garantir aux consommateurs la provenance du produit ». Le droit exclusif du titulaire de la marque a été octroyé pour protéger ses intérêts spécifiques. La CJCE décide ainsi que l’apposition par un tiers, sans autorisation du titulaire de la marque d’un signe identique à cette marque sur les modèles réduits de véhicule de la dite marque afin de reproduire fidèlement ces véhicules et de commercialiser les dits modèles réduits ne constituent pas l’usage d’une indication relative à une caractéristique de ces modèles réduits aux sens de l’article 6, §1, a) de la directive.

Il n’est donc pas exclu d’envisager, que dans d’autres circonstances de faits, dans lesquelles la marque originelle ne viserait pas les jouets ou les modèles réduits, et que les modèles réduits commercialisés par un tiers seraient destinés à des collectionneurs, la reproduction identique de chaque détail du véhicule original puisse éventuellement constituer une caractéristique essentielle de cette catégorie de produits, de sorte que l’article 6, §1, a) permettrait la copie fidèle de la marque. C’est alors sur le terrain du droit d’auteur (voire du dessin et modèle en cas de dépôt) attaché au design du véhicule lui-même que le fabriquant pourrait faire interdiction au fabriquant de modèle réduit, ce qui supposerait de démonter la titularité des droits d’auteurs ainsi que l’originalité du design.

On se souvient à ce propos en droit français de la technicité du droit d’auteur et de l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 1er juin 2005 infirmant le jugement rendu le 18 février 2004 par le Tribunal de Grande instance de Paris, qui avait condamné PGO (société située à Alès) à cesser de produire le « Speedster 1 », inspiré de la mythique Porsche 356 des années soixante (James Dean pris de passion pour les courses automobiles pendant le tournage de la Fureur de Vivre, acheta sa première Porsche 356 Speedster avant de la troquer contre une 550 au volant de laquelle il devait perdre la vie). Porsche n’ayant pu démontrer la transmission des droits entre la société qui avait diffusé le modèle et la société d’aujourd’hui, a vu son action déclarée irrecevable sur le fondement du droit d’auteur. Le modèle Porsche 356 n’étant plus ni fabriqué ni commercialisé depuis plusieurs décennies la Cour d’appel avait également rejeté l’action en concurrence déloyale et en parasitisme, contraignant Porsche à rembourser les dommages et intérêts accordés par les premiers juges.

D’où l’intérêt d'anticiper et de systématiquement garantir la traçabilité des droits d’auteur, notamment en cas de transmission …

© Xavier le Cerf - avocat

Droit européen : la marque et les importations parallèles

Dans un arrêt Boehringer et al/ Swingward et Dowelhurs, rendu le 26 avril 2007, la Cour de Justice des Communautés européennes était interrogée sur la portée de l’épuisement des droits conférés par la marque nationale au regard de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 89/104 [Directive du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, 89/104/CEE - JO 1989, L40, p.1, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992] aux termes duquel sauf motifs légitimes, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Sont notamment considérées comme motif légitime, la modification ou l’altération des produits après leur mise dans le commerce.

Il s’agissait de savoir si un fabriquant de produits pharmaceutiques, titulaire d’une marque nationale, pouvait s’opposer à la commercialisation ultérieure de ses produits par des importateurs parallèles dans un autre Etat de la communauté européenne, s’il s’avère que le conditionnement des différents médicaments a été modifié par l’apposition sur l’emballage d’origine d’une étiquette comportant le nom de l’importateur parallèle et son numéro d’importation.

C’est par la détermination de « l’objet spécifique » du droit exclusif que la CJCE détermine l’emprise du droit communautaire de la concurrence sur les droits nationaux de propriété intellectuelle. En effet, tout ce qui rentre dans l’objet spécifique n’est théoriquement pas atteint par le droit communautaire. En revanche, si le titulaire outrepasse cet objet spécifique, l’usage de sa marque est abusif et porte atteinte à la libre circulation des biens et des services. L’exercice illégitime de la marque détenue peut être sanctionné sans que l’existence du droit de marque ne soit remise en cause.

La CJCE définissant ainsi l’objet spécifique d’une marque comme la finalité « d’assurer la garantie de provenance du produit revêtu de cette marque » interprète l’article 7, §2 de la directive 89/104, en encadrant le droit du titulaire de la marque de s’opposer à la commercialisation ultérieure d’un produit pharmaceutique importé d’un autre Etat membre dans son conditionnement interne et externe original, assorti d’une étiquette supplémentaire externe, apposée par l’importateur, et en subordonnant cette faculté d’opposition subordonnée à cinq conditions cumulatives :

  • L’utilisation des droits de marque par le titulaire ne doit pas contribuer à cloisonner artificiellement le marché.
  • Il appartient à l’importateur parallèle de démontrer que le nouvel étiquetage ne saurait affecter l’état originaire du produit contenu dans l’emballage.
  • L’auteur du nouvel étiquetage du produit et le nom du fabriquant de celui doit être mentionné clairement sur l’emballage.
  • La présentation du produit ayant fait l’objet d’un nouvel étiquetage ne doit pas nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire (comme par exemple la mauvaise qualité ou le caractère brouillon ou l’état défectueux de l’étiquette. Il appartient le cas échéant, au titulaire de la marque de démontrer qu’une atteinte a été portée à la réputation de sa marque.
  • L’importateur doit préalablement à la mise en vente du produit, avertir le titulaire de la marque et lui fournir à sa demande un spécimen ayant fait l’objet d’un nouvel étiquetage.

Si ces cinq conditions ne sont par remplies, le titulaire de la marque pourra s’opposer aux importations parallèles. Dans le cas contraire il devra supporter l'importation parallèle.

© Xavier le Cerf - avocat